Domaines d'impact
Une hausse des coûts en santé et des besoins de plus en plus grands font en sorte que le système de santé canadien peine à trouver des moyens pour garder les gens en santé au sein de leur communauté. L'alimentation est un facteur social important qui influe sur la santé, en plus d'être un point d'intervention puissant pour lutter contre les changements climatiques.
En nous fiant aux grandes leçons apprises et aux répercussions observées au cours des trois dernières années, un constat s'impose : le leadership institutionnel en matière de climat, d'équité et de réconciliation n'est pas une noble cause, mais plutôt un impératif de santé pour l'avenir. C'est pourquoi Nourrir la santé veut aider le système de la santé à mettre à profit le pouvoir de l'alimentation dans trois domaines d'impact interdépendants : 1) le climat; 2) l'équité, et 3) le bien-être communautaire.
Leadership climatique grâce à l’alimentation
Pourquoi le système de la santé doit-il faire preuve de leadership dans ce domaine?
Le secteur canadien de la santé produit 5,2 % de l'empreinte carbonique du pays. Le carbone est issu des activités et des services de transport et d'énergie du secteur de la santé, mais la part du lion, c'est-à-dire 71 % de l'empreinte globale, découle de la production, du transport et de l'élimination de biens et de services, par exemple des produits chimiques et pharmaceutiques, des produits agricoles et alimentaires, des dispositifs médicaux, de l'équipement hospitalier et des instruments.
Repenser l'alimentation aidera considérablement à réduire l'empreinte carbonique du secteur de la santé. Réduire le gaspillage alimentaire et adopter une alimentation plus axée sur les plantes font partie des quatre grandes stratégies pour réduire les émissions de carbone, selon la recherche de Drawdown menée par Paul Hawken. Les habitudes alimentaires autochtones, y compris le lien à la terre, le respect des récoltes et la surveillance des changements dans les écosystèmes, constituent aussi une source de sagesse pour aider à faire face à la crise climatique.
Les changements climatiques auront un impact important sur la santé de la population et risquent d'augmenter les inégalités qui touchent les communautés marginalisées en matière de santé et de bien-être communautaire. Vu la grande contribution du secteur de la santé au climat, le leadership de ce dernier sera indispensable pour amener la société, les entreprises et les communautés à travailler ensemble pour faire face à la crise climatique.
Modifier les menus, les activités des services alimentaires et les pratiques d'approvisionnement dans les hôpitaux pourra aider à décarboniser les chaînes d'approvisionnement. Les hôpitaux peuvent se servir de leur grand pouvoir d'achat pour respecter le Guide alimentaire canadien, notamment en servant moins de viande et en achetant de la viande plus durable et des sources de protéines végétales. Il sera aussi crucial dans le cadre de ces travaux d'aider les communautés autochtones à accéder aux aliments traditionnels ou ruraux essentiels à leur culture.
Prendre exemple sur les régimes alimentaires durables des établissements de soins de santé aidera à changer les habitudes alimentaires de la population. Cela aura des résultats mutuellement avantageux en réduisant le risque de maladie, les coûts de santé et les émissions de gaz à effet de serre. Une étude réalisée aux États-Unis a conclu que « remplacer la moitié des calories d'un régime alimentaire par des aliments à base végétale, en tenant compte des effets combinés sur la santé et l'alimentation, pourrait contribuer de 23 % à l'atteinte par les États-Unis des objectifs de son Plan d'action climatique ».
Aborder en amont les facteurs qui influent sur la santé grâce à l'alimentation
Pourquoi le système de la santé doit-il faire preuve de leadership dans ce domaine?
Les Premières Nations, les Métis et les Inuits du Canada vivent une insécurité alimentaire disproportionnée, possèdent des taux élevés de maladies liées à l'alimentation, par exemple le diabète, et n'ont pas un bon accès à de l'eau potable. Au Canada, la durée de vie des peuples autochtones est de dix ans de moins que les personnes non autochtones. La Commission de vérité et réconciliation demande au secteur de la santé de se pencher sur les répercussions continues de la colonisation et de combler l'écart qui existe en matière de santé. Les paradigmes coloniaux se rapportant à la sécurité alimentaire qui considèrent les aliments autochtones « dangereux » ne sont qu'un reflet des préjugés inconscients que l'on entretient envers les Autochtones. Se reconnecter aux habitudes alimentaires et au savoir traditionnel de ces derniers permettra aux peuples autochtones de retrouver le chemin vers la santé. La Commission demande que tous les professionnels et professionnelles de la santé suivent une formation de compétence culturelle. Elle demande aussi aux fournisseuses et fournisseurs de soins de « reconnaître la valeur des pratiques de guérison autochtones et de les intégrer au traitement des patientes et patients, en collaboration avec des guérisseuses, des guérisseurs et des Aîné.es autochtones. »
Nous payons tous le prix de l'iniquité en santé. Les usagères et usagers fréquents ayant un statut socio-économique disproportionnellement bas représentent un fardeau pour le système de santé. Les inégalités croissantes sur le plan des revenus et de la richesse sont exacerbées par les changements climatiques et l'isolement social, et continueront d'exercer une pression de plus en plus forte sur le système. Les hôpitaux doivent aborder les causes profondes de l'iniquité, d'un point de vue financier, mais aussi moral.
La compétence culturelle est une priorité des soins axés sur les patientes et patients et doit se refléter dans les aliments servis à ces derniers. Le personnel hospitalier s'attend souvent à ce que les proches des patientes et patients fournissent de la nourriture pour améliorer l'appétit de ces derniers lorsque l'hôpital ne leur offre pas des aliments qu'ils apprécient ou sont appropriés d'un point de vue culturel. Cependant, les personnes ayant un statut socio-économique moins élevé sont déjà très à risque en matière d'insécurité alimentaire et peuvent ne pas pourvoir compter sur un réseau social qui sera en mesure de les soutenir durant leur séjour à l'hôpital.
Des communautés résilientes grâce à l'alimentation
Pourquoi le système de la santé doit-il faire preuve de leadership dans ce domaine?
La mauvaise alimentation et l'insécurité alimentaire sont responsables des maladies chroniques liées à l'alimentation, et elles ont des répercussions bien connues sur le système de santé. La mauvaise alimentation entraîne des coûts de 13,8 milliards de dollars par année au Canada. Les coûts de santé sont 121 % plus élevés pour les gens aux prises avec une grande insécurité alimentaire. Une étude récente a montré que « parmi les adultes qui mouraient prématurément, ceux aux prises avec une grande insécurité alimentaire vivaient en moyenne neuf ans de moins que leurs homologues qui connaissaient une sécurité alimentaire ».
Les questions interdépendantes de l'alimentation, de la capacité de payer et de l'accessibilité à des aliments sains sont abordées en aval par le système de santé, qui est plus orientée vers les soins curatifs que les approches de prévention en amont. Nous pouvons mettre à profit les ressources des établissements de soins de santé pour investir dans des approches en amont qui permettront d'améliorer la nutrition, les environnements alimentaires, les menus des établissements et l'accès à des aliments frais, sains, culturels, locaux et durables, tout cela en vue de repenser le système de santé pour qu'il soit résilient et nourrissant, tant pour les personnes que la planète.
Les établissements de santé qui collaborent avec leur communauté peuvent s'attaquer aux facteurs sociaux et écologiques qui influent sur la santé en repensant la place de l'alimentation dans la gamme de soins, au sein de la communauté et dans le système alimentaire en général. Un lien avec la nature et une connexion avec la communauté sont des sources de résilience. La prescription sociale et les programmes alimentaires constituent d'excellents moyens de bâtir une communauté.