Pourquoi ce travail doit-il être fait maintenant?
Avec une pandémie mondiale, des besoins et des inégalités croissants en matière de soins de santé, et l'urgence climatique, le système de santé canadien est pressé de trouver des moyens de soutenir la santé des gens dans leurs communautés - et de les maintenir hors de l'hôpital. La pandémie met en évidence la possibilité pour les soins de santé d'être proactifs en s'attaquant aux problèmes systémiques plus larges qui se chevauchent et ont un impact sur la santé des personnes et de la planète.
Il est temps de s'attaquer aux problèmes interdépendants que sont les inégalités en matière de santé ressenties par les communautés noires, autochtones et autres communautés de couleur, ainsi que par les personnes âgées, l'insécurité alimentaire, les taux toujours croissants de maladies chroniques liées à l'alimentation et le changement climatique. La réponse du Canada à la COVID-19, sa reconstruction et sa réimagination en vue d'un avenir plus équitable et plus durable peuvent contribuer puissamment à résoudre ces problèmes pernicieux auxquels sont confrontés nos systèmes alimentaires et sanitaires.
Cartes des problèmes
Les inégalités représentent un poids de plus en plus important pour le système de santé.
Le fardeau croissant de l'insécurité alimentaire et des maladies chroniques sur le système de santé est lié à la question des facteurs sociaux et d'équité qui influent sur la santé. Un ensemble complexe de facteurs sociaux, allant de l'accès aux aliments au logement, en passant par une perte intergénérationnelle de culture ainsi que la solitude et l'isolement social, joue un rôle important dans l'état de santé d'une personne. Des différences extrêmes en ce qui concerne l'accès aux aliments et les revenus viennent exacerber les conséquences néfastes de la pauvreté sur la santé. Les personnes les plus vulnérables d'un point de vue socio-économique deviennent par conséquent les usagers les plus fréquents du système de santé.
Les changements climatiques ont des répercussions profondes sur la santé humaine et augmentent les inégalités.
Nous vivons à une époque d'urgence climatique et cela a des répercussions importantes en matière de santé. Le système de santé doit être proactif et intégrer en amont des approches et des actions climatiques dans sa mission et son mandat. Selon la publication médicale Lancet : « les changements climatiques représentent la plus grande menace à la santé au 21e siècle et la lutte contre ces derniers pourrait être notre meilleure occasion d'améliorer la santé ». Les conséquences des changements rapides entraînant des effets graves sur la santé des gens incluent « des extrêmes de température, une modification des schémas des maladies infectieuses et une détérioration de la sécurité alimentaire, de l'eau potable et de la qualité de l'air ».
« Si le secteur mondial de la santé était un pays, il serait le cinquième plus grand émetteur sur la planète ».
Health Care Without Harm a calculé l'empreinte climatique du système de santé à l'échelle mondiale. L'organisme a constaté que si le secteur de la santé était un pays, il serait le cinquième plus grand émetteur au monde. Plusieurs recommandations précisent que le secteur de la santé doit « réagir à l'urgence climatique de plus en plus grande non seulement en traitant les malades ou les blessés de la crise climatique ainsi que ses causes, mais aussi en adoptant des mesures de prévention primaires et en réduisant radicalement ses propres émissions ».
L’écosystème et la santé humaine sont interdépendants.
Les changements climatiques et le manque d'équité sont directement liés à la détérioration de l'état de santé de la planète et des écosystèmes, et si nous n'agissons pas, cela aura des implications désastreuses pour les générations actuelles et futures. Nos systèmes alimentaires sont menacés par une perte de biodiversité toujours plus grande et l'épuisement des ressources, qui auront un impact non seulement sur les plus vulnérables, mais sur chacun d'entre nous.
Bien que les questions du climat et de l’équité soient à la fois alarmantes et complexes, il existe des moyens que le domaine de la santé peut dorénavant utiliser pour agir de manière proactive grâce à l’alimentation.
Nourrir la santé adopte une approche systémique pour comprendre les problèmes qui touchent de manière interdépendante les systèmes sociaux, de soins de santé, alimentaires et environnementaux, et dont les causes ont des racines profondes similaires. Nous ne cherchons pas de solution miracle. Nous voulons plutôt trouver des interventions qui tiennent compte de la nature complexe des problèmes à résoudre et qui pourront s'attaquer autant aux symptômes qu'aux causes profondes. Ce genre d'interventions a des avantages superposés et pourra entraîner des effets en cascade au sein des systèmes.
Pourquoi le secteur de la santé peut-il et devrait-il faire ceci en se servant de l'alimentation?
L'alimentation peut servir de médicament pour les personnes et la planète. En effet, ce que nous mettons dans notre assiette a des répercussions sur notre santé et notre climat.
L'alimentation est un des principaux facteurs sociaux qui influent sur la santé, en compagnie du revenu, du logement et de l'éducation. Celle-ci n'est cependant pas une priorité dans notre système de santé actuel, qui se concentre sur les traitements et s'intéresse peu à la sécurité alimentaire. De plus, les services alimentaires dans les hôpitaux sont souvent gérés comme un service accessoire n'ayant aucun lien avec l'offre de soins, mis à part s'assurer qu'un cabaret soit livré aux patientes et patients à un prix correspondant au budget. Le coût financier d'une mauvaise alimentation s'élève à 13,8 milliards de dollars dans le contexte du transfert fédéral en matière de santé de 40 milliards (2019-2020) et d'une nouvelle étude indiquant que l'insécurité alimentaire peut réduire l'espérance de vie d'une personne de neuf ans. Voir l'alimentation comme indispensable à la santé paraît donc s'imposer comme impératif.
Nous avons la possibilité d'utiliser l'alimentation pour créer un lien entre la santé des personnes et la santé de la planète en nous servant des quatre milliards de dollars dépensés annuellement pour des services alimentaires dans les établissements de santé. Une très petite part de ce montant est actuellement orientée vers des aliments locaux, durables et appropriés sur le plan culturel. Habituellement, 40 % du cabaret des patientes et des patients finit à la poubelle. Cela est considérable, étant donné qu'environ 275 000 repas sont servis quotidiennement dans des hôpitaux canadiens. L'occasion de voir les aliments servis dans les hôpitaux, les cafétérias et les chambres comme un outil éducatif pouvant aider le personnel et la clientèle à améliorer leur alimentation est également gaspillée. Considérer l'alimentation comme un médicament sera rapidement payant, puisque les patientes et patients qui ne mangent pas à l'hôpital coûtent deux milliards de dollars par année au système de santé en séjours prolongés. Et on ne parle pour l'instant que du rôle de l'alimentation entre les murs de l'hôpital. Aligner l'environnement alimentaire des établissements de soins de santé à l'aspiration première de leur mission, qui est de promouvoir la santé, sera un moyen crucial d'aider la population à adopter une saine alimentation.
Se servir de l'alimentation pourra entraîner un rendement en cascade du capital investi
L'alimentation est un levier puissant pour le système de santé qui pourra avoir des avantages en cascade dans l'ensemble du système, et ce, pour la santé de la clientèle, des établissements, des communautés et de la planète. Des données probantes précoces et des voies prometteuses conçues par la première cohorte d'innovatrices et d'innovateurs Nourrir la santé viennent prouver ceci. Des leaders du domaine de la santé ont en effet pu constater l'impact bien réel d'accorder un rôle plus central à l'alimentation au sein de leur établissement et dans le cadre de projets collaboratifs.