C’est la grande question que l’équipe de Nourrir la santé se pose alors que nous voyons le coronavirus profiter des nombreuses faiblesses de nos systèmes alimentaire et de santé.
Depuis que la COVID-19 a touché le système de santé canadien, nous essayons de comprendre quelle est la meilleure façon de réagir et de nous adapter. Nous avons reporté le lancement de notre Programme de leadership d’ancrage jusqu’à septembre 2020, en solidarité avec le milieu de la santé et afin de concentrer notre attention sur la réponse à la pandémie.
Au cours des six dernières semaines, nous avons observé des gestionnaires d’hôpitaux partager des stratégies pour soutenir le personnel qui a peur de venir au travail vu le manque d’ÉPI, des supplications de médecins en première ligne qui voient des personnes sans-abris se débattre pour avoir accès à des refuges et de la nourriture en attendant des résultats de dépistage et des agricultrices et agriculteurs avoir de la difficulté à trouver des logements adéquats pour placer des travailleuses et travailleurs agricoles compétents en quarantaine.
La pandémie a mis de l’avant et exacerbé les inégalités frappantes et l’insécurité alimentaire qui existaient déjà. Mais elle a aussi provoqué de beaux gestes : des restaurants ont choisi de donner de la nourriture au personnel de santé en première ligne (#chopstickstoheroes); des efforts de soins communautaires ont été faits pour livrer des repas et des épiceries à des personnes âgées seules; des organismes se sont mobilisés pour transformer les possibilités créées par les trousses de stimulation fiscale gouvernementales en politique progressive à long terme, par exemple un salaire minimum universel.
Nous assistons à la plus grande initiative de prévention de l’Histoire et il est impératif qu’une partie de cette énergie axée sur la prévention se répande vers l’avenir pour que la prochaine crise cause moins de décès.
À quoi ressemble l’avenir post-COVID, dans un mois, six mois ou un an? Impossible de prédire l’avenir, mais nous pouvons repérer des tendances et des signaux dans ce monde en évolution constante qui nous fourniront des indices pour comprendre ce qui nous attend. Nous pouvons utiliser des derniers, ainsi que nos questions sur les plus grands facteurs de changement, pour concevoir des scénarios futurs. Ces scénarios nous font prendre conscience des forces actuelles que nous devrions tenter d’amplifier ou d’atténuer.
L’équipe Nourrir la santé a commencé un exercice de recherche de prévision à cette fin. Celui-ci consiste à recueillir des signaux de changement au sein du système, à observer les tendances à l’échelle locale et mondiale, et à surveiller les fenêtres de possibilité en matière de politiques pour un système de santé plus résilient, durable et équitable. Nous avons imaginé des scénarios futurs possibles pour un horizon temporel de deux à trois ans relativement au système de santé de l’après-COVID-19. Aucun d’entre eux ne se veut une prédiction. Ils ne sont que des exercices pour susciter de l’espoir ou de la peur, et nous motiver à créer de meilleures solutions pour l’avenir.
Explorer les avenirs possibles du système canadien de la santé post-COVID-19
Après avoir lu l’article de l’économiste écologique Simon Mair intitulé « What will the world be like after coronavirus? » et publié dans The Conversation, l’équipe Nourrir la santé a élaboré un exercice de recherche de prévision pour développer les quatre scénarios futurs proposés par Mair, et ce, dans le but d’imaginer à quoi pourraient ressembler les systèmes alimentaire et de santé de l’avenir.
Mair a conçu quatre scénarios à l’aide de l’outil de prédictions qui consiste à créer un 2x2 en fonction de deux facteurs (ou incertitudes cruciales) qui façonneront l’avenir. Nous avons retenu les deux facteurs choisis par Mair : 1. notre compréhension de la valeur; 2. qui prend des décisions pour l’avenir.
Incertitude cruciale → Valeur « La valeur renvoie à ce qui est le principe directeur de notre économie. Utilisons-nous nos ressources pour maximiser les échanges et l’argent, ou les utilisons-nous pour maximiser la vie? »
Incertitude cruciale → Centralisation « La centralisation renvoie à la manière dont les choses sont organisées, soit par plusieurs petites unités, soit par une force directrice puissante. »
Les quatre scénarios originaux de Mair portent les titres indiqués à droite. Nous les avons utilisés comme points de départ et nous les avons développés à notre façon, les renommant pour créer quatre futurs possibles dans le domaine de la santé de l'après-COVID-19 au Canada.
Bien que ces scénarios paraissent extrêmes, l’exercice fait travailler notre imagination pour faire une vérification d’avenir de nos travaux stratégiques continus, atténuer les angles morts et observer les signaux de chaque scénario qui sont actifs actuellement. Les signaux de ces différents scénarios nous éclairent sur les forces que nous devrions tenter activement d’amplifier ou d’atténuer.
Les détails sur chacun des quatre scénarios sont dans la version anglaise.
Qu’avons-nous appris des implications post-COVID-19 pour aller de l’avant avec la stratégie Nourrir la santé?
On observe des signaux de tous ces scénarios futurs dans la situation actuelle, peut-être certains plus que d’autres. En ce moment, les signaux du scénario Effondrement inéquitable sont heureusement assez faibles au Canada, même si nous observons des signes d’iniquités naissantes et les conséquences de la négligence et du manque de ressources dans les centres de soins longue durée. Des signaux des trois autres scénarios se font visibles au Canada : les jardins communautaires et résidentiels sont en hausse, tout comme les « Soins communautaires » grâce à la Friendly Neighbour Hotline mise sur pied par UHN OpenLab pour offrir du soutien aux personnes âgées habitant dans des logements communautaires de Toronto. En ce qui concerne le scénario « Accès universel », nous voyons l’aide proposée par le gouvernement fédéral tracer la voie au programme potentiel du salaire minimum universel. Bien sûr, la pandémie a aussi entraîné des investissements liés aux soins actifs et aux soins intensifs dans les hôpitaux, et propulsé les soins virtuels et à distance pour des « soins sur demande » améliorés.
Ces scénarios nous montrent qu’on trouve déjà dans le présent des traces d’un avenir souhaitable et comme bien d’autres, notre équipe veut exploiter celles-ci pour réussir la transition vers un système de santé plus résilient, durable et équitable. Ultimement, nous voulons gérer des systèmes de soins de santé efficaces et résilients, mais qui par-dessus tout priorisent la vie et le bon développement des êtres humains et des écosystèmes plutôt que l’optimisation du profit et de l’argent. Il est probable que nous observions des éléments de tous ces scénarios dans le futur.
Pour l’instant, notre équipe commence à surveiller les possibilités causées par la COVID-19 pour exploiter le pouvoir de l’alimentation dans les soins de santé en vue d’améliorer le leadership climatique, l’équité et le bien-être communautaire.
L’exercice de prévisions ne vise pas à prédire l’avenir, mais bien à anticiper celui-ci et à se préparer en vue des déroulements possibles. Il est vrai que la pandémie de la COVID-19 entraîne beaucoup d’incertitude quant à notre stratégie et l’avenir des soins de santé canadiens, mais il est aussi vrai qu’elle a clarifié nos principes et nos aspirations.
Il est temps d’atténuer les discours qui placent la reprise économique avant la vie des personnes âgées ou vulnérables, et il est temps d’amplifier les discours qui réalisent que notre bien-être est collectif et dépendant de la santé de la planète.