Il devrait y avoir plus de cours de nutrition dans les écoles de médecine

par Dre Margaret Rundle

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Nous partageons une compréhension de base sur le sujet, mais l’alimentation demeure sous-estimée comme plan d’intervention pour habiliter les patient.es dans la prévention et le traitement des maladies.

Les professionnel.les de la santé s’entendent pour la plupart sur le fait que les habitudes alimentaires d’une personne influent sur les résultats préventifs et médiaux. Chaque année, d’autres études de pointe viennent valider le rôle de l’alimentation et des régimes thérapeutiques dans la gestion et la prévention des maladies chroniques. Toutefois, un enseignement de base sur le rôle de la nutrition et du mode de vie représente depuis longtemps le maillon faible des programmes universitaires de médecine au Canada.

Je travaille comme médecin de famille depuis 27 ans. Dans le cadre de mes travaux cliniques, je m’efforce de motiver et d’éduquer mes patient.es quant à l’influence de l’alimentation sur leur santé et leur bien‑être. Mon intérêt pour le sujet découle de mon implication dans diverses disciplines sportives durant mes années d’études. Il était alors important pour moi de bien me nourrir. J’ai d’abord fait un baccalauréat de quatre ans en nutrition avec l’intention d’entrer en médecine. Durant mes quatre années à l’école de médecine, j’ai été surprise de constater que seulement 20 heures étaient consacrées à la nutrition. Je me souviens qu’il s’agissait principalement de nous expliquer ce que sont les vitamines, les minéraux, les glucides et les lipides. Il n’était nullement question d’interventions nutritionnelles. Lorsque j’ai commencé à pratiquer mon métier, je me souciais encore de l’importance de la nutrition et de l’activité physique, mais il était facile de consacrer tout mon temps à gérer des problèmes graves, à poser des diagnostics et à rédiger des ordonnances. Où était passée ma passion pour la médecine préventive? J’ai retrouvé celle-ci après avoir assisté à une série de conférences sur les avancées dans le domaine de la recherche scientifique entourant l’alimentation et la nutrition. J’ai littéralement eu la chair de poule en écoutant ces conférences. Je me sentais de nouveau moi-même! Depuis ce temps, j’ai modifié ma pratique pour consacrer au moins 15 des 45 minutes de discussion avec un.e patient.e à poser des questions sur sa nutrition, son niveau d’activité physique et son mode de vie.

Bon nombre de médecins ne se demandent pas ce qui peut être réalisé grâce à l’alimentation au moment de choisir un traitement. Nous partageons une compréhension de base sur le sujet, mais l’alimentation demeure sous-estimée comme plan d’intervention pour habiliter les patient.es dans la prévention et le traitement des maladies.

 

Intégrer l’alimentation et la nutrition aux études en médecine

Un des problèmes est que les médecins n’apprennent rien au sujet des plus récents concepts de sciences nutritionnelles dans la plupart des écoles de médecine. Une étude montre que les médecins ne se sentent actuellement pas assez confiants pour conseiller leurs patient.es au sujet de leur alimentation. En fait, plus de la moitié des diplômé.es en médecine qualifient leurs connaissances en matière de nutrition d’inadéquates. Le curriculum nord-américain de médecine ne priorise tout simplement pas assez la nutrition. Une autre étude, publiée dans Academic Medicine, révèle que seulement 27 % des 105 écoles de médecine en Amérique du Nord satisfont l’exigence minimale des 25 heures de formation en nutrition.

Parmi les étudiant.es canadien.nes ayant participé à une étude, 87,2 % ont affirmé que leur programme de baccalauréat devrait inclure davantage de cours de nutrition.

Des étudiant.es en médecine canadien.nes demandent plus de cours de nutrition. Parmi les étudiant.es canadien.nes ayant participé à une étude, 87,2 % ont affirmé que leur programme de baccalauréat devrait inclure davantage de cours de nutrition. Bon nombre de ces étudiant.es se disaient à l’aise quant à leur connaissance du rôle de la nutrition dans la prévention des maladies, mais peu préparé.es pour conseiller des patient.es en matière de nutrition durant toutes les étapes de leur vie. Ils ont également affirmé qu’ils trouvaient difficile d'identifier des sources d’information fiables sur le sujet.

Les facultés de médecine doivent embaucher plus de personnel capable d’enseigner la nutrition. Selon moi, comprendre le rôle de l’alimentation en tant que traitement ne peut pas se faire en ajoutant quelques heures ou un cours au programme. Cette compréhension doit être intégrée dans l’ensemble du curriculum. Il faut parler de nutrition lorsque les étudiant.es étudient la santé prénatale, la pédiatrie, l’ophtalmologie, l’oncologie, l’orthopédie, etc. Heureusement, cela se fait déjà à l’Université de Toronto grâce aux conseils d’une équipe de médecins, qui inclut John Sievenpiper, et à la généreuse contribution financière de Johanna et Brian Lawson pour la création du Centre for Child Nutrition at the University of Toronto.

 

Une ressource fiable et digne de confiance en matière de nutrition pour les médecins et les patient.es

Qu’en est-il des médecins qui pratiquent déjà? Je travaille actuellement avec l’Université de Toronto sur des cours de nutrition accrédités pour les médecins pratiquants. J’ai aussi mis sur pied le Rundle‑Lister Lectureship in Transformative Nutritional Medical Education. Un prix est décerné dans le cadre de cette série de conférences à un clinicien ou une clinicienne reconnu.e comme contribuant de manière exceptionnelle au rôle de la nutrition dans les soins aux patient.es. L’événement Food as Medicine aide aussi à combler le manque de connaissances qui existe dans la formation continue en médecine. La première conférence de cette série porte sur le microbiome. Le dicton dit : « je suis ce que je mange ». Bien que cela soit en partie vrai, je pense que poursuivre la recherche nous permettra aussi de mieux comprendre comment les aliments que nous consommons influent sur notre microbiome et, par conséquent, sur notre santé.

Les patient.es comme les médecins se tournent vers Internet pour trouver de l’information. Je rêve du jour où les médecins qui n’ont pas le temps de donner des conseils de nutrition, ou qui souhaitent orienter leur patient.es vers des sites web de confiance pourront visiter un carrefour web d’affiliation universitaire. L’Université de Toronto est l’une des quelques facultés de médecine qui comprend un département de nutrition. En concevant ce genre de carrefour web, elle serait dans une bonne position pour devenir l’endroit où les médecins pourraient mettre leur savoir à jour et où les patient.es pourraient trouver des renseignements sûrs et fiables.

Je ne demande pas aux médecins de devenir nutritionnistes. Ils sont toutefois dans une position unique, puisqu’ils ou elles peuvent conseiller leurs patient.es durant leur examen annuel, ou en cas de maladie aiguë lorsqu’ils sont plus susceptibles d’être réceptifs.

Je ne demande pas aux médecins de devenir nutritionnistes. Ils sont toutefois dans une position unique, puisqu’ils ou elles peuvent conseiller leurs patient.es durant leur examen annuel, ou en cas de maladie aiguë lorsqu’ils sont plus susceptibles d’être réceptifs. Pour qu’un changement à long terme se produise, il faut repenser la formation médicale des futurs médecins. Ils ou elles pourraient alors découvrir l’utilité de la nutrition dans leurs pratiques cliniques et considérer les approches nutritionnelles comme complémentaires à la médecine traditionnelle pour maintenir une bonne santé et prévenir les maladies chroniques.